L’Aperçu n°25 – L’hospitalité territoriale : raconter la métropole à l’heure des défis sociaux et environnementaux

juin 2023
L'Aperçu

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L’hospitalité territoriale :
raconter la métropole à l’heure des défis sociaux et environnementaux

L'Aperçu de Magali Talandier

Professeure des universités en aménagement et urbanisme, Université Grenoble Alpes,
Laboratoire Pacte, membre de l’Institut universitaire de France

magali_talandier

De l’attractivité à l’hospitalité, un nouveau récit pour les métropoles ?

Face aux crises climatiques, environnementales, sanitaires, économiques, sociales, les métropoles se réinventent. Non exclusivement compétitives et plus coopératives, frugales, neutres en carbone, plus hospitalières et moins sélectives, mieux encastrées dans leurs géographies et plus respectueuses de leurs paysages. Les enjeux métropolitains ne se déclinent plus seulement en termes de compétitivité et d’attractivité, mais aussi en termes de résilience et d’hospitalité.

Dans ce contexte, les chercheurs de la plateforme POPSU-Grenoble¹ ont essayé de comprendre comment cette notion d’hospitalité pouvait nourrir l’action locale. Les résultats montrent que la notion d’hospitalité provoque un pivotement dans les leviers usuels du développement.

Plus que la capacité à attirer les talents et les « CSP+ », chers au processus de métropolisation, l’hospitalité suggère de porter une attention aux populations diverses – des plus vulnérables aux plus convoitées, des plus mobiles, temporaires, migrantes aux plus ancrées.

Les entretiens menés au sein de Grenoble Alpes Métropole ont souligné, entre autres, la malléabilité de la notion, sa capacité à créer plus de transversalité entre les services, ou bien encore sa capacité à révéler des pratiques et injonctions parfois contradictoires.

Ces premiers éléments, trop rapidement résumés ici², mériteraient d’être approfondis pour savoir comment faire émerger de ces nouveaux récits métropolitains, des politiques ambitieuses en faveur d’une plus grande résilience des territoires.

¹ Programme de recherche co-financé par le PUCA et Grenoble Alpes Métropole
² L’ensemble des résultats produits sont disponibles dans le webmagazine édité par l’Agence d’urbanisme de la région grenobloise. Nous reprenons ici certaines de ces conclusions. http://grand-a.aurg.org/decembre-2021_emergences

LE DOSSIER THÉMATIQUE

L’hospitalité territoriale :
raconter la métropole à l’heure des défis sociaux et environnementaux

Dans la continuité de l’Aperçu n°20 de janvier 2023 « Lille, une métropole internationale ? De l’attractivité à l’hospitalité du territoire », l’Agence poursuit ses réflexions sur l’attractivité en les mettant en perspective avec deux phénomènes aujourd’hui incontournables :

  • la raréfaction des ressources : qu’elles soient naturelles ou foncières, comment concilier attractivité et sobriété ?
  • l’aspiration des habitants à participer davantage à la vie publique : comment mieux prendre en compte les habitants dans les politiques d’attractivité ?

ADAPTER NOS PRATIQUES D’OBSERVATION ET D’ACCOMPAGNEMENT

Ces phénomènes, conséquences directes et durables des crises environnementale et sociale que nous vivons, imposent de questionner l’ensemble de nos pratiques. Des territoires proposent de nouvelles appropriations (attractivité plus équitable, responsable, équilibrée), voire se dotent de nouveaux outils stratégiques. La Métropole Européenne de Lille (MEL) réaffirme dans son Projet stratégique de transformation économique du territoire (PSTET) son positionnement sur l’attractivité de nouveaux publics et sur sa capacité à les maintenir sur le territoire.

© ADULM

© Comité Grand Lille – Anouk Desury

L’Agence, en tant qu’acteur du territoire et outil d’ingénierie s’interroge tant sur son périmètre d’observation que sur ses modes de faire pour apporter un nouveau regard sur les enjeux d’attractivité. Elle propose de façon complémentaire :

  • une observation plus transversale : mieux articuler les enjeux d’attractivité, d’ancrage et de bien vivre ensemble, en prenant en compte une diversité de publics : les touristes, les visiteurs, les entreprises et les associations, les habitants…;
  • une observation plus participante : recueillir la parole des acteurs du territoire, les mettre en dialogue et les associer aux réflexions sur les enjeux du territoire.

DES PREMIÈRES DÉMARCHES ENGAGÉES

L’Agence mobilise les expertises (techniques, scientifiques et d’usages, cf. encadré) et favorise la coproduction, voire la coresponsabilité lorsque les conditions sont réunies. Pour cela, elle s’appuie sur les réseaux en place comme le Comité Grand Lille pour le monde économique ou le Conseil de Développement pour les habitants. L’Agence diversifie ses partenaires au besoin, pour aller chercher d’autres expertises, d’autres regards. Elle se dote aussi de nouvelles compétences et d’outils adaptés.

Par exemple, dans un contexte d’accueil prochain de grands événements sportifs, l’Agence s’intéresse tout autant aux équipements sportifs de rayonnement national et international qu’à la réalité des pratiques sportives des habitants du territoire.

À travers la démarche bien-être territorial, l’Agence propose des espaces de parole et de participation pour mieux connaitre ce qui contribue au bien-être des habitants, leurs besoins et leurs aspirations. Elle valorise ce qui fait « commun » à l’échelle d’un quartier ou d’une commune, pour favoriser l’attachement voire l’engagement des acteurs pour leur territoire.

Enfin, l’Agence souhaite interroger des entreprises du territoire pour mieux comprendre, selon leur profil et leurs activités, les leviers d’ancrage et de développement économique spécifiques à notre métropole. Quels sont les facteurs économiques et les facteurs de qualité de vie qui entrent en jeu aujourd’hui dans le choix d’implantation ou de développement d’une entreprise, face aux défis d’accès aux ressources (énergétiques, naturelles, ressources humaines, etc.) ?

Cette approche plus transversale et participante de l’observation avec laquelle l’Agence investit certains sujets (attractivité, modèles de développement…), est bien incarnée par la notion d’hospitalité territoriale développée en 2019 par Magali Talandier (cf schéma ci-contre et rubrique « L’Aperçu de »).

Si elle n’est pas nommée en tant que telle, l’hospitalité fait écho à des caractéristiques propres de la métropole : la convivialité, la solidarité et l’accueil. Ces notions sont profondément liées à l’histoire de notre territoire marquée par sa frontière et ses fonctions marchande, militaire et industrielle qui ont engendré au fil des siècles :

  • des échanges de biens et le passage de personnes ;
  • un brassage de populations ;
  • une solidarité et de l’entraide.

À l’heure des transitions, les territoires se transforment et se racontent. Métropolisation, compétitivité, ruissellement… Quelle trajectoire pour faire de notre métropole un territoire résilient, qui sait composer avec son histoire et ses spécificités ? Explorer l’hospitalité territoriale, c’est proposer d’ouvrir un nouveau champ du récit territorial tourné vers l’accueil, la solidarité et le bien vivre ensemble.

© ADULM

© ADULM

L’EXPERTISE D’USAGE

C’est la connaissance que les habitants développent de leur propre territoire à travers leurs pratiques de mobilité, de divertissement, d’engagement, etc. Cette expertise de l’usage peut être considérée comme toute aussi importante que l’expertise technique (acteurs de terrain) et scientifique (chercheurs) dans la mesure où elle apporte une réalité complémentaire pour mieux saisir la complexité d’une situation. Associer les habitants à une réflexion sur un sujet qui les concerne, c’est aussi leur donner la possibilité d’exercer leur pouvoir d’agir et favoriser ainsi leur engagement pour le territoire. Nous distinguons trois niveaux d’intégration de cette expertise d’usage dans nos travaux :

  • la mobilisation : recueillir le vécu des personnes concernées par le sujet. Par exemple, interroger des habitants d’un quartier sur leurs vécus pour mieux comprendre l’impact des trafics de stupéfiants sur leur qualité de vie.
  • la coproduction : associer les personnes concernées à la réflexion. Par exemple, inviter les habitants d’un quartier touché par les trafics de stupéfiants à une séance de travail où leurs vécus sont mis en perspective, soit avec le regard des associations de prévention qui travaillent dans le quartier, et/ou avec le regard de chercheurs spécialisés sur ces questions.
  • la coresponsabilité : collaborer avec l’ensemble des parties prenantes pour définir et mettre en œuvre un projet. Par exemple, réunir des habitants et des associations d’un quartier pour définir ensemble le sujet qui pourrait fait l’objet d’une étude compte tenu de leur expertise respective, décider de la meilleure façon de le traiter et mettre les conditions en place pour que toutes les parties prenantes soient actrices de sa mise en œuvre.

Source : Magali Talandier

LES GRAPHIQUES DU MOIS

En 2019, le territoire du SCOT de Lille Métropole a enregistré 32 520 entrées et 35 420 sorties dans le cadre des migrations résidentielles. Un écart qui crée un solde migratoire négatif depuis la fin des années 60, mais qui tend à se réduire sur une période récente (rapport entre les entrées et les sorties du territoire). Ce solde migratoire négatif est compensé par un solde naturel positif et relativement stable des années 60 à 2013, en baisse sur la période la plus récente de 2013-2019 (rapport entre les naissances et les décès). La population métropolitaine continue donc d’augmenter et ce, grâce aux naissances.

Sur les 32 520 arrivants, 50 % résidaient déjà dans la région des Hauts-de-France un an auparavant et 20 % proviennent d’Ile-de-France. En termes de profil, 60 % des arrivants ont moins de 25 ans, ce qui s’explique en grande partie par une offre d’enseignement supérieur attractive. Sur la même période, 45 % des sortants ont moins de 25 ans. S’il est vrai que les jeunes sont généralement plus mobiles que les autres tranches d’âge, ce phénomène est particulièrement marqué sur notre territoire.

Au-delà des entrées et sorties, c’est au sein même du territoire qu’est enregistré le plus gros volume de flux résidentiels. En 2019, 54 188 personnes ont changé d’adresse sur le territoire du SCOT, à la recherche d’un habitat qui réponde davantage à leurs besoins.

Mots clés : Attractivité – Hospitalité territoriale – Observation – Concertation citoyenne – Participation

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