L’Aperçu n°36 – La densité : un vrai sujet, une fausse question ?

juin 2024
L'Aperçu

Planification et aménagement > Aménagement du territoire
> Foncier et immobilier
> SCOT / PLU

L'Aperçu de Rafaëlla FOURNIER

Cerema IDF / Département Ville Durable – Référente territoriale « Stratégies
de densification urbaine » – Doctorante en Aménagement et Urbanisme

Tribune-photo-1

La densité fait souvent débat entre les professionnel.le.s de la ville, qui ont tendance à la préconiser, face aux élu.e.s et citoyen.ne.s qui émettent certaines réticences. Pourtant, quand on croise « analyse spatiale » au travers d’une diversité d’indicateurs pour qualifier le territoire, et « analyse sensible » grâce notamment à des enquêtes sociologiques, on constate qu’il n’y a pas de corrélation entre la densité bâtie et la satisfaction des habitant.e.s sur leur cadre de vie [1].

En effet, le sujet n’est pas tant la densité que la qualité du cadre de vie qui dépend de multiples facteurs, et en particulier de la configuration des espaces non-bâtis. Plus ces « vides » sont végétalisés, offrant ainsi de véritables espaces de respiration, plus le taux de satisfaction est alors élevé. Quelles que soient les typologies territoriales (urbaine, périurbaine, rurale), la demande d’une offre de nature à proximité de chez soi est ainsi la 1ère aspiration sociale. Le besoin de déconnexion dans nos modes de vie urbains est fortement réclamé par la population dont la conscience environnementale est aussi de plus en plus importante.

Les stratégies pour (a)ménager nos territoires sont donc nombreuses pour concilier nature et densité mais aussi attentes citoyennes et écologiques. Le recyclage de bâtis existants et de friches autant que la mutualisation d’espaces et la mixité fonctionnelle sont des solutions appréciées. Sans oublier que, plus on donne à voir et plus on associe en amont les habitant.e.s, plus les stratégies seront contextualisées et bien vécues !

[1] Résultats d’études réalisées par le Cerema, synthèse téléchargeable

Braderie de Lille @Samuel Amze / MEL

LE DOSSIER THÉMATIQUE

La densité : un vrai sujet, une fausse question ? 

Le sujet de la densité est aussi important que délicat. Suite à l’adoption de la loi Climat et Résilience en 2021, la densité s’est invitée dans les débats tant l’équation du ZAN sera difficile à résoudre sans une appréhension claire de cette « variable » qui caractérise le tissu urbain et le cadre de vie des habitants et usagers. Dans cette optique mieux comprendre pour mieux opérer des choix, l’Agence a engagé une démarche d’études et d’événements à destination des acteurs de la ville, des élus et des techniciens pour éclairer le sujet de la densité pour une ville durable. 

Début 2021, une première étude a exploré la densité de logements et la densification résidentielle au sein du périmètre du SCOT. Le territoire compte une grande variété de formes urbaines et des densités variant de 5 à 90 logements par hectare pour une moyenne de près de 30 log/ha. Toute la métropole se densifie depuis les années 2000, que cela soit l’agglomération centrale (Lille, Roubaix, Tourcoing) ou la couronne périurbaine, en renouvellement urbain comme en extension urbaine (des extensions qui sont par ailleurs plus denses que la densité des communes où elles sont produites). Cette densification se fait au fil de l’eau en reproduisant, légèrement plus denses, les formes urbaines présentes sur le territoire, en majorité peu denses à l’image du tissu pavillonnaire. Ce phénomène peine à garantir les objectifs de production de logements fixés par le SCOT à l’horizon 2035 et il ne semble pas à la hauteur des objectifs d’une trajectoire vers le Zéro Artificialisation Nette (ZAN) introduite par la loi Climat et Résiliences en 2020.

Une deuxième étude, parue fin 2021, a dressé un catalogue de densités selon une sélection de 14 sites résidentiels et économiques illustrant la diversité des formes urbaines les plus courantes de la métropole. Un ensemble d’indicateurs – renseignant les espaces bâtis autant que les espaces libres – et des frises permettent de comparer les différents tissus urbains sur des échelles de valeurs et proposent des repères pour faciliter le dialogue entre les différents acteurs, publics et privés, sur le sujet de la densité.

Le troisième volet complète les analyses précédentes de la densité selon une dizaine d’indicateurs croisés sur l’ensemble du territoire (SCOT) et à l’échelle infra-communale. Les mesures s’appuient sur un carroyage de 100 mètres x 100 mètres permettant de dresser une vingtaine de cartographies statistiques exhaustives et à haute résolution des tissus urbains de la métropole lilloise.

 

Issues de ces travaux, les analyses bivariées (croisement de plusieurs indicateurs) relatives à la densité des formes urbaines font apparaître plusieurs constats. Tout d’abord, contrairement aux idées reçues, le lien entre hauteur et densité reste très relatif, en particulier dans une métropole qui est caractérisée par sa « densité horizontale ». Ensuite, dans la métropole lilloise, de nombreux secteurs combinant densité bâtie avec densité de services et commerces, composent ainsi une ville de proximité dite « ville du quart d’heure ». Enfin, les différentes densités métropolitaines (des plus faibles aux plus fortes) se répartissent sur un large éventail de prix de l’immobilier métropolitain, ce qui montre une absence de corrélation directe entre densité et attractivité des territoires.

La densité n’est pas tant un sujet si l’intensité des aménités urbaines sont là et de qualité. Autrement-dit, offrir une qualité de vie pour les habitants constituerait le substrat d’une bonne acceptation de la densité, voire une attractivité de certaines adresses. A côté des indicateurs conventionnels utilisés et généralement focalisés sur le bâti (densité de logement, densité construite) et sur la démographie (densité d’habitants), des indicateurs de qualité de vie (intensité de services, commerces, transports, équipements…), d’activités (densité d’emplois) et d’aménités environnementales (végétale, espaces libres, qualité de l’air, ambiance sonore…) permettent de mesurer les qualités du contexte urbain et de prendre en considération des aspects contribuant à la vitalité, la durabilité et à la qualité de ce contexte (mixité fonctionnelle, proximité des services, santé environnementale…).

Elargir la vision de la densité à d’autres indicateurs, davantage liés à ces différentes composantes de la ville est une piste pour contribuer et participer à l’élaboration d’une ville intense, durable et de qualité remportant l’adhésion de ses habitants.

20080102_VL_Eurallile
EuraLille @Vincent Lecigne / MEL

LA CARTE DU MOIS

Cette carte présente la densité résidentielle, soit le nombre moyen de logements à l’hectare sur le territoire du SCOT de Lille Métropole en 2022.
L’analyse a été réalisée à partir des Fichiers fonciers produits par le Cerema sur la base de données fiscales. Le nombre de logements d’habitation présent au sein d’une unité foncière est identifié, puis ramené à l’hectare avant d’être agrégé à la maille d’un carreau de 100 m de côté. Les secteurs de faible densité résidentielle sont caractéristiques des quartiers d’habitat pavillonnaire ou des hameaux en milieu rural. À l’inverse, les densités les plus élevées sont observées au niveau des centres-bourgs et des quartiers anciens.

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