L’Aperçu n°42 – Les habitants des QPV : premières victimes des inégalités environnementales

janvier 2025
L'Aperçu

Bien-être et vivre ensemble > Environnement
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Observation > Observation sociale

L'Aperçu de Isabelle DORESSE

Vice-présidente ATD Quart Monde France, Conseillère CESE (Conseil économique, social et environnemental)

Le lien est aujourd’hui établi entre la biodiversité, la santé et le bien-être des populations. Préserver les écosystèmes, c’est préserver notre santé. Nous devons transformer profondément nos modes d’aménagement du territoire, de production et de consommation. Les personnes en précarité vivent dans des environnements souvent dégradés : en périphérie, à proximité de décharges, avec des transports inadaptés, peu d’espaces de nature, des logements dégradés et mal isolés… Les surexpositions subies ajoutent à la précarité des pathologies graves. Les messages politiques sont souvent inadaptés et les mesures prises peuvent aggraver les situations. La régression des services publics et des liens sociaux accentuent cette réalité.

Or, les plus pauvres sont généralement exclus des réflexions et les préjugés sont nombreux. Alors qu’au quotidien, ils doivent faire preuve d’adaptation et sont, de façon subie, inventeurs de gestes écologiques, et ont des pratiques frugales. Ils aspirent fortement à ce que leurs enfants aient une vie meilleure. Pour progresser vers une politique environnementale juste, il faut refonder les politiques publiques à partir de l’expérience et de la participation des personnes vivant dans la pauvreté. Mais les conditions de participation, que nous expérimentons à ATD Quart Monde ne sont pas simples et demandent de prendre le temps nécessaire. L’étude réalisée par l’ADULM apporte des éléments. C’est avec toutes et tous, qu’il faut écrire un nouveau récit d’une société qui se construit, à l’échelle des bassins de vie, en ayant le souci du bien-être de tous ses habitants.

LE DOSSIER THÉMATIQUE

LES HABITANTS DES QPV : PREMIÈRES VICTIMES DES INÉGALITÉS ENVIRONNEMENTALES

La crise climatique impacte inégalement les populations d’une même ville. Les habitants des Quartiers Prioritaires de la politique de la Ville (QPV) sont plus exposés, bien qu’ils émettent moins de gaz à effet de serre.

Cette iniquité climatique s’explique par  :
– des logements petits, mal isolés, parfois humides, et exposés aux variations de température ;
– un aménagement des quartiers offrant un accès limité aux aménités environnementales comme les espaces verts ;
– une confrontation accrue à des nuisances : bruits, pollutions industrielles et trafic routier.

Ces inégalités concernent particulièrement la MEL, où 20% des habitants vivent dans les 26 quartiers prioritaires de la politique de la ville, répartis sur 20 communes, avec 242 200 personnes directement concernées.

Une grille d’analyse systémique de la transition écologique dans les QPV

L’Agence propose une grille d’analyse systémique, inspirée de la définition gouvernementale de la transition écologique et solidaire.

Elle permet :
– d’analyser la mise en place opérationnelle de la transition écologique et solidaire dans les QPV. A travers cette grille, deux projets de renouvellement urbain sont analysés : aux Oliveaux à Loos et à la Bourgogne à Tourcoing ;
– de mettre en évidence le champ des possibles en matière de transition écologique et solidaire et d’orienter les projets.

Une forte vulnérabilité dans les QPV en termes de santé environnementale

Depuis 2018, l’Agence accompagne la dynamique de la MEL autour de la santé environnementale, inscrite dans la délibération cadre « Construire une métropole à santé positive ». Ce travail, qui sera prolongé en 2025, permettra de préciser les caractéristiques des différents quartiers et leurs besoins.
Les indicateurs actuels montrent que 91% des habitants des QPV résident dans des Iris [1] vulnérables, dont 60% dans des zones qualifiées de « fragiles », soit près du double de la moyenne métropolitaine (34%). Ces quartiers se distinguent par des infrastructures vieillissantes ou inadéquates, des logements anciens et dégradés, des îlots de chaleur urbains etc.

[1] Les IRIS sont les plus petites unités statistiques infra-communales. Ils couvrent les communes de plus de 10 000 habitants et, pour la plupart, celles de plus de 5 000 habitants, avec une population généralement comprise entre 1 800 et 5 000 habitants.

Différents rapports à l’écologie en milieu populaire

Contrairement aux idées reçues, les habitants des QPV ne sont pas éloignés des enjeux écologiques. Les 86 habitants rencontrés lors d’entretiens qualitatifs expriment des perceptions variées.
Certains rejettent l’écologie, perçue comme un concept élitiste ou inaccessible. Cette relation ambivalente s’explique par des barrières psychologiques et matérielles (fatigue, manque de moyens) ainsi qu’un manque d’information. Les habitants jugent souvent leurs actions insuffisantes, bien qu’ils s’investissent déjà dans des pratiques durables.

Atelier-débat sur la transition écologique et solidaire avec les habitants animé par l’ADULM au sein de l’associations Iris Formation – Quartier de Wazemmes à Lille © ADULM

Différents rapports à l’écologie en milieu populaire

Contrairement aux idées reçues, les habitants des QPV ne sont pas éloignés des enjeux écologiques. Les 86 habitants rencontrés lors d’entretiens qualitatifs expriment des perceptions variées.
Certains rejettent l’écologie, perçue comme un concept élitiste ou inaccessible. Cette relation ambivalente s’explique par des barrières psychologiques et matérielles (fatigue, manque de moyens) ainsi qu’un manque d’information. Les habitants jugent souvent leurs actions insuffisantes, bien qu’ils s’investissent déjà dans des pratiques durables.

De nombreuses préoccupations liées à la transition écologique et solidaire

– Le logement, première source de préoccupation : une grande majorité signalent des problèmes liés à l’isolation, l’humidité ou la moisissure, ayant des impacts sur leur santé.
– La gestion des déchets, marquée par les dépôts sauvages et/ou une collecte insuffisante, souvent aggravés par les projets de renouvellement urbain.
– Le besoin d’espaces verts : la majorité des habitants estiment que leur quartier manque de jardins publics de qualité, souvent mal entretenus ou trop rares.

Entre sobriété subie et pratiques écologiques

Dans les QPV, les pratiques écologiques s’articulent entre sobriété contrainte et initiatives volontaires. Les habitants témoignent de gestes durables : tri, produits faits maison etc. Beaucoup s’investissent aussi dans des démarches collectives comme les jardins partagés ou les épiceries solidaires.

Cependant, leur sobriété est avant tout subie, dictée par des contraintes financières :
– alimentation : réduction de la consommation de viande pour des raisons économiques ;
– énergie : adoption de comportements économes pour réduire les factures ;
– mobilité : une très grande majorité privilégie les transports en commun, faute de moyens pour un véhicule individuel.
Ces contraintes, perçues comme des obligations, contrastent avec les démarches volontaires des classes plus favorisées.

Un attachement fort au cadre de vie

Malgré les difficultés, un point commun émerge : un attachement profond à leur quartier. Cet ancrage se traduit par des actions concrètes pour améliorer leur environnement immédiat : nettoyage, jardinage, mobilisation collective.

Contrairement aux discours idéalisés de certaines classes sociales, leur approche de l’écologie reste réaliste et pragmatique, centrée sur des solutions concrètes et accessibles. Cette relation, empreinte de modestie, témoigne d’un souci sincère pour leur cadre de vie, tout en reflétant les défis spécifiques liés aux inégalités socio-environnementales.

Quartier de la Bourgogne à Tourcoing, avril 2024 © ADULM

LA CARTE DU MOIS

Caractérisation des IRIS des QPV au regard des indices de santé environnementale

Deux indices composites ont été élaborés à partir de 58 indicateurs :
– l’indice de vulnérabilité : reflète les contraintes subies par les populations vivant sur l’Iris considéré ;
– l’indice de résilience : décrit la capacité d’un territoire à faire face aux inégalités de santé.

Quatre types de territoires sont identifiés sur le territoire du SCOT de Lille Métropole :
– Iris fragiles : forte vulnérabilité, faible résilience ;
– Iris fragiles avec ressources : forte vulnérabilité, forte résilience ;
– Iris à surveiller : faible vulnérabilité et résilience ;
– Iris résilients : faible vulnérabilité, forte résilience.

Les QPV sont surreprésentés parmi les Iris les plus vulnérables :
– 60% des habitants vivent dans un Iris fragile (34% dans le SCOT) ;
– seuls 8% des habitants des QPV vivent dans les Iris les moins vulnérables ;
– aucun QPV n’est classé en Iris résilient.

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